AVIS D' PAS SAGE
Festival de Musiques Nouvelles
1 / 2 / 3 JUIN 2000 FIGEAC
LA PRESSE EN PARLE

Chants de la terre bretonne et free jazz à l'Europa du Mans


Comme un témoignage de leur vitalité, le jazz et les expressions musicales traditionnelles bretonnes se sont régulièrement cherchés. Après d'autres - François Tusques, dès le milieu des années 70, Henri TexIer, Louis Sclavis, I'ARFI, Jacques Pellen, Riccardo del Fra...le sasophoniste Francois Corneloup s'intéresse à ce rapprochement d'esthétiques et de pratiques avec son trio (Claude Tchamitchian, contrebasse, et Eric Echampard, batterie) et le chanteur Yann-Fanch Kemener. Il y eut création aux Rencontres intemationales de Nevers, en novembre 1999, un deuxième ancrage le 30 avril à l'Europa lazz Festival du Mans et le festival Avis d'passage, à Figeac, les accueillera début juin. C'est tout jusqu'en 2001.
  CHEMiNEMENTS PARALLELES   A l'abbaye de l'Epau, Kemener et Corneloup posent vite les choses: leur propos n'est pas d'avancer vers !'exotisme. d'un jazz: bretonnIsant ou d'une

Bretagne jazzifiée. Kemener est là pour sa voix, ample, profonde, pour son répertoire de chants de la terre bretonne, pour le rythne :des mots qui vont avec les pas de la danse, pour la complainte du gwerz, cette sorte de blues qui dit les amours maudites. Le trio est là avec sa pratique du jeu collectif, de l'écoute, du mouvement des corps. Il n'y a pas de thèmes prétextes ou de tentativè: artificielle de fusion. Kemener n'est pas mis en situation d'improvisateur, ce qu'il.n'est pas, plutôt ne semble pas être. Pas plus que le trio n'ira se retrouver en musiciens accompagnateurs. Ce sont des cheminements parallèles, des instants où les musiques se frôlent, une inspiration mutuelle qui.n'a pas besoin d'être clamée. Un instrumentiste répond à une mélodie, un rythme, Kemener, module,. reprend des mots, s'interrompt. Des deux côtés il y a ce.choix, fragile, risqué, de mettre sa pratique, sa culture en regard, d'étre avec ou de se taire. Bien sûr, tout le monde ne s'y retrouve pas.

Certains auraient voulu entendre plus de déclamations .d'amour à la Bretagne quand d'autres regrettent que le rapport à I'improvisation collective, au free jazz ne soit pas plus lisible. Et c'est très bien ainsi, une musique, des gestes d'artistes qùi remettent en cause des certitudes, des attentes. L'Europa - festival dense - en un week-end où le repos fête le travail, Irène Schweizer et Pierre Favre en grands enfants du jazz; le vivier des chansons selon Django Bates; une journée entière avec les grands esprits et les fantames d'Albert Ayler...-, est l'un des lieux où la parole, le.débat, sont encore possibles.
Un luxe devenu rare.


Sylvain Siclier
LE MONDE - VENDREDI 5 MAI 2000 2000

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